LA TRANSMISSION DE L’ARMÉE A L’ENTREPRISE, UN OUTIL STRATÉGIQUE DE GESTION DES ENTREPRISES

Lorsqu’on parle de transmission, on pense inévitablement à l’armée. Effectivement, la transmission est, pour l’armée, l’outil principal sans lequel il ne peut y avoir victoire.

Tous les spécialistes de l’armée vous diront qu’une armée avec des milliers de soldats, les équipements les plus modernes, mais qui manque de transmission et de transmission efficace est vouée à l’échec. En des termes plus clairs, une petite armée non équipée avec une bonne transmission gagnera toujours face à une grande armée bien équipée et sans transmission.

La transmission est au sein de l’armée le moyen par lequel la troupe, confrontée aux réalités du terrain, rend compte à la hiérarchie pour recevoir des ordres.

Cette définition fait apparaître au sein de l’armée une instance d’observation et de collecte de données, une instance d’analyse des données, une instance de décision et une instance d’action. La troupe confrontée aux réalités du terrain observe et rend compte. L’autorité, outillée pour analyser les données et pour prendre des décisions, analyse et décide, afin que la troupe puisse agir de façon éclairée. Chacun doit jouer son rôle, car formé et outillé pour ça.

Confrontés aux coups d’État, certains pays de l’Afrique ont du mal à faire face au terrorisme. L’une des raisons fondamentales soulevées par les spécialistes est la suppression dans la chaîne de commandement du maillon supérieur constitué par les officiers généraux. Si le colonel est à cheval entre l’engagement sur le terrain et la prise de décision, il n’est pas un officier général qui, pour accéder à cette fonction, a fait des formations appropriées.

Lorsqu’un soldat mu par son égo, son zèle et sa certitude pense pouvoir décider et agir sans rendre compte et demander des ordres, il met sa vie et la vie de toute la troupe en danger.  Imaginez une sentinelle placée à l’entrée de la ville qui voit venir une armée, engage le combat sans rendre compte, il va être tué, son armée et sa population décimées parce que n’ayant pas été informées. La transmission au sein de l’armée est une affaire de vie ou de mort et un soldat qui ne se soumet pas à la discipline de la transmission doit être mis hors d’état de nuire.

Je tiens à préciser qu’un officier général a reçu la formation de sous-officier, d’officier, d’officier supérieur et d’officier général. L’officier supérieur n’a pas reçu la formation d’officier général. L’officier n’a pas reçu la formation d’officier supérieur et d’officier général. Le sous-officier n’a pas reçu la formation d’officier, d’officier supérieur ou d’officier général. Le soldat recruté pour sa jeunesse et sa capacité sur le terrain n’a reçu ni formation de sous-officier, ni formation d’officier, ni formation d’officier supérieur, ni formation d’officier général.

Il est donc évident qu’une armée qui laisse celui qui a la force motrice décider et agir sans ceux qui ont l’intelligence stratégique est vouée à l’échec.

Pour mieux comprendre, allons dans la médecine. Imaginez un instant, un hôpital où les aides-soignantes font des opérations chirurgicales, ce serait un hôpital où on va pour mourir. L’aide-soignante prend les constantes, c’est-à-dire les informations de bases, les transmet à l’infirmier qui analyse ce qu’il peut analyser, et transmet si nécessaire les informations au médecin généraliste qui à son tour se réfère au médecin spécialiste qui prend les décisions et donne des instructions à chacun pour faire ce qu’il faut. Comme pour l’armée, un hôpital qui met en place une bonne transmission va sauver des vies, aura victoires sur victoires.

Allons au niveau gouvernemental. Mathieu KEREKOU à l’époque président de la République du Bénin constate que son service de renseignement ne lui fournit pas les informations en temps et en heure. Ensemble, avec l’un de ses conseillers, nous avons mis en place un service parallèle fait de diplômés en quête d’emploi.

Chaque jeune informait tous les soirs le jeune en charge de son quartier de ce qui s’est passé de pertinent dans la journée. Chaque responsable de quartier rend compte au responsable de la ville qui se charge de nous transférer les informations. À notre niveau, on analyse et on présente le lendemain, à 10h, un rapport au chef de l’État. Voilà comment le président Mathieu KEREKOU a pu être informé avant ses services de renseignements d’un mouvement violent des vendeurs d’essence frelatée qui se préparait. Un chef d’état sans une bonne transmission est en danger.

Alpha Condé a décidé de changer de numéro parce que son numéro était devenu connu de presque tous les Guinéens.  En changeant ainsi de numéro, il a coupé sa chaîne de transmission et ainsi, personne n’a pu l’informer du coup d’État en préparation. Faute de transmission, il perd le pouvoir.

Beaucoup de personnes s’essaient à des placements en ligne, mais n’ont pas une transmission pouvant leur permettre de savoir quand vendre, quand acheter et c’est pour cela qu’ils perdent beaucoup d’argent. La transmission est essentielle pour savoir anticiper les fluctuations du marché.

Pour en venir à ce qui nous concerne, la transmission au cœur d’une entreprise, il faut d’abord déplorer les faillites successives de nos entreprises faute d’une bonne transmission.

D’abord, nos entreprises sont faites d’un patron inaccessible qui fait confiance à ses collaborateurs directs pour gérer leurs départements. C’est une erreur, Alpha Condé en a eu pour son compte pour avoir fonctionné ainsi. Tout en faisant confiance à ses collaborateurs, le patron doit être en contact avec tous les usagers du système.

Chaque personne a sa nature d’être, ses certitudes, ses qualités et défauts, son égo, son caractère, etc. Dans une chaîne de commandement, il suffit qu’un collaborateur bloque l’information pour que l’entreprise face faillite. En étant en contact avec tous les usagers du système, le défaut de caractère de l’un peut être rattrapé par l’autre et on peut ainsi sauver l’entreprise.

Un jour, un monsieur à qui nous devons 600.000 est passé pour avoir des nouvelles de son argent. Il a été mal reçu, très mal reçu sans que l’agent qui l’a reçu ne daigne informer qu’une personne vient de partir fâchée et se prépare donc à entamer une action en justice contre nous. Une autre personne qui a vécu la scène et qui a accès à moi m’informe. J’ai fait appeler le monsieur et je lui ai fait payer les 600.000 et contre toute attente, il prend les 600.000 complète de l’argent et nous confie à gérer pour lui.

N’eût été la possibilité pour le témoin de faire de la transmission, la non-transmission de l’agent nous exposait à des complications. Toute modification des paramètres initiaux doit être portée à l’attention du décideur.

Un jour, dans une entreprise, la photocopieuse est tombée en panne. Le responsable logistique, sachant que la procédure de réparation prend trois jours alors qu’en soirée, on doit photocopier et déposer un appel d’offres de plusieurs dizaines de milliards, va voir la secrétaire du PDG pour lui demander d’inviter le PDG à prendre la décision d’abandonner les procédures pour aller plus vite.

La secrétaire bloque l’information et l’entreprise n’arrive pas à déposer le dossier d’appel d’offres. La secrétaire est renvoyée, mais le patron aussi est coupable de l’absence de transmission entre lui et le responsable logistique.

Mon expérience des affaires m’amène aujourd’hui à introduire dans les valeurs cardinales à exiger pour recruter, le devoir de toujours rendre compte. Aujourd’hui, les aspects de mes entreprises qui marchent sont celles gérées par ceux et celles qui s’engagent dans la culture de la transmission.

Qui doit transmettre des informations ?

Dans toute entreprise, les informations essentielles viennent du client, des usagers. Les usagers doivent fournir des informations qui permettent de les connaître, de les comprendre, de les servir et de les satisfaire. Ils doivent donc donner des informations.

Au deuxième rang, tout acteur de l’entreprise qui est en contact avec les usagers doit pouvoir transmettre aux supérieurs les informations recueillies. Ne pas le faire, c’est tuer l’entreprise.

En troisième ressort, les chefs services qui reçoivent des informations doivent faire en sorte que le patron de l’entreprise soit informé.

Qu’est-ce qu’on doit transmettre ?

Ici, la notion d’informations nouvelles est essentielle. Lorsque j’avais reçu des instructions, c’était sur la base d’informations recueillies et transmises au patron. S’il n’y a pas modification des informations, il n’y a pas besoin de transmission pour cause de l’autorité de la chose jugée.

En règle générale, l’autorité de la chose jugée voudrait qu’aucun subalterne ne puisse remettre en cause les décisions d’un supérieur sans s’en référer à lui et il ne peut se référer de nouveau à lui que s’il y a une information nouvelle.

À titre d’exemple, imaginez une infirmière qui relève les constantes d’un patient et constate que sa température est normale, rend compte au médecin et reçoit un traitement approprié. Au moment d’appliquer le traitement, elle constate que la température a augmentée.  Si elle applique le traitement, elle peut tuer. Elle doit retourner rendre compte au médecin pour une adaptation du traitement. Voilà quoi transmettre.

Aujourd’hui, internet est pauvre en matière de connaissances sur la transmission. Dans l’armée, on a tendance à réduire la transmission aux moyens de communication. C’est une erreur. Si les moyens efficaces de communication garantissent la rapidité et la confidentialité, il est nécessaire d’inculquer au soldat la culture de la transmission.

La notion de transmission à l’hôpital mérite d’être cultivée, documentée, développée. Dans l’armée, dans les hôpitaux comme dans les entreprises, la notion de transmission, une question de vie ou de mort, mérite l’attention du décideur. En entreprise, la non-transmission doit être érigée en motif de licenciement, car celui qui refuse de s’engager et donc d’apprendre, de développer une culture de transmission a choisi délibérément de tuer l’entreprise.

Si l’employé doit s’engager dans la transmission, il est clair que le patron, pour sa part, doit créer les canaux de transmission permettant aux employés d’avoir accès à lui.

Références

Coach Patrick Armand POGNON,

Professeur Émérite en Coaching Intégral,

Président Recteur de l’UCI

Président Mondial de l’Association FIAD

Président de l’OCDI

PDG d’ATQM S.A